Julie Digard, ou l’art de réinventer la couleur

Sur la surface blanche, les couleurs se révèlent au contact de leurs semblables. Le bleu devient chaud, l’orange vibre et le rose se pare d’une nouvelle dimension. Cherchant l’harmonie parfaite, Julie Digard passe des heures à tâtonner, expérimenter et affiner sa pratique picturale. Au traditionnel combo toile et pinceau, elle préfère l’entre-deux, l’aléatoire et même le hasard. Entre deux expositions, Julie nous accueille dans son antre où son esprit créatif peut s’exprimer librement.

Dans son atelier, les pots de peinture font face à un bureau recouvert de papiers colorés découpés. Celle qui refuse d’utiliser le gris et le noir dans son répertoire pictural est aujourd’hui habillée de bleu : sa jupe et ses boucles d’oreilles s’accordent avec ses yeux d’eau qui ne cessent de scruter les interactions entre la forme, la couleur et le matériau. Influencée par l’œuvre d’Henri Matisse et de Shirley Jaffe, Julie n’a jamais succombé aux sirènes du figuratif. L’abstraction est depuis toujours son terrain d’expérimentation pour développer une peinture du langage.

« Le lieu est une zone de rencontre entre des pluralités d’ordre pictural ».

Loin d’une pratique traditionnelle, la jeune femme préfère jouer avec des éléments ready-made qu’elle intègre au gré de ses envies dans des compositions colorées. Instinctive, Julie n’a pas peur des contradictions et des règles qu’elle se fixe pour mieux les transgresser. Au départ, elle croque sur un papier des éléments avant de les laisser ricocher entre eux. Le but de ce protocole faussement rigoureux : faire apparaître un nouvel équilibre.

Sans jamais déborder, l’artiste multiplie les séries. Il y a Les décomposés, Les plâtres, Les reliques. Son univers éclatant et séduisant se décline également dans des « espaces de peinture autonomes » qui deviennent des lieux de déambulations pour le visiteur. Addict à l’acrylique, Julie aime les lignes nettes et sans bavure, les aplats et les couches de peinture. Au fil du temps, le blanc est devenu de plus en plus présent. Sur le contour, à la lisière du visible, il grignote l’espace pour révéler de nouvelles formes.

Bercée par le son grésillant du poste de radio, Julie crayonne, découpe, colle, écrit. Qu’il s’agisse de langage pictural ou de poésie, elle interroge sans cesse sa pratique. Mais ne lui dites surtout pas que ses créations abstraites vous rappellent un motif figuratif ! Car ce qui travaille cette artiste depuis toujours, c’est une question fondamentale : comment être peintre aujourd’hui, après le coup d’éclat de Duchamp notamment ? A cette interrogation, Julie a l’avenir devant elle pour trouver les prémices d’une réponse.